Être à Soi (2022-2023)
Mon projet "Être à Soi" est une exploration personnelle et introspective mettant en avant l'autoportrait et les fragments de mon corps. Je tire un fil entre un autoportrait de mes 15 ans et mes autoportraits actuels. L’utilisation de la photographie argentique et du sachet de thé infusé comme support de tirage ajoute une dimension tactile et matérielle à mon travail, permettant ainsi d'exprimer la fragilité de l'être tout en symbolisant sa résilience par le biais du concept du Kintsugi.
Mon approche expérimentale me permet de mener une réflexion sur le médium photographique. J’explore l’aspect artisanal de la pratique photographique où forme et lumière se combinent pour créer l’image. L’image photographique se retrouve disséquée et analysée dans la multiplicité des possibles qui la composent. L’image vient du latin l'imago qui désigne un masque mortuaire, un moulage de cire prélevé sur le visage du défunt dans les familles patriciennes romaines. L’origine de l’image serait pour montrer une absence. Je le met en parallèle avec l’argentique en chambre noir (l’absence puis l’apparition de la photographie).
En remettant en question la représentation traditionnelle du corps féminin qui a souvent été façonnée par des hommes dans l'histoire de l'art, j’aborde également des aspects politiques.
L'utilisation de matériaux liés au thé, tels que la porcelaine, le carton d'emballage et la nappe(...), ajoute une dimension poétique à mon projet, rappelant la philosophie chinoise et japonaise où le thé est considéré comme symbole de l'essence spirituelle et de la connexion avec le cosmos. Mes autoportraits et mes fragments de corps forment des fragments mobiles qui laissent des possibilités renouvelées de se re-composer et d’opérer des changements d’échelle en exposition. Ce sont toutes des pièces uniques. Je dépasse ainsi le cadre au mur déployer les différentes pièces dans l’espace sous forme de sculpture. Mon approche artistique est à la fois introspective, expressive et engagée offrant une démarche plasticienne qui mêle exploration personnelle et réflexion sur la société et les symboles culturels.


Originaux 9,5x14,5 cm


Original 9,5x14,5 cm


Originaux 9,5x14,5 cm


Originaux 9,5x14,5 cm


Originaux 9,5x14,5 cm


Originaux 9,5x14,5 cm


Originaux 9,5x14,5 cm


Format 47,5x56,5 cm


Format 47,5x56,5 cm


Format 47,5x56,5 cm


Gaëlle Abravanel parvient avec Être à Soi à se réapproprier
son corps.
Styliste de mode, directrice artistique, galeriste, photographe
plasticienne… Gaëlle Abravanel a vécu plusieurs vies en une.
Passionnée par le 8e art depuis de lycée, elle y consacre
exclusivement son temps depuis un an, voyant dans la discipline
un moyen d’expression libre, permettant de nombreuses
expérimentations.
« Je n’ai jamais été quelqu’un qui vénérait la pureté de
l’argentique. Je suis de celle qui apprécie le dialogue entre
les médiums lorsqu’un sujet s’y prête », précise-t-elle.
C’est en redécouvrant une ancienne série réalisée il y a une dizaine d’années et consacrée à ses enfants que l’artiste débute Être à Soi. « Sa particularité venait du support utilisé, du fait qu’il s’agissait
de reprises de photos, de plans très serrés d’images déjà produites.Il s’en dégageait une sensation fantomatique, comme lorsqu’on
interroge ses souvenirs », précise t-elle.
Corps en gros plans, silhouettes sculpturales, décomposées jusqu’àl’abstraction, monochrome pâle évoquant la chair et unifiant chaquedétail dans un puzzle organique…Minimaliste et poétique, Être à Soi est cette fois-ci dédiée à
l’autoportrait. Une manière pour l’autrice de se dévoiler tout
en plaçant l’esthétisme au cœur de l’introspection.
« Il arrive dans la vie d’une femme d’être contrainte de faire une
pause, de prendre du recul pour savoir comment vivre les
prochaines années. Les enfants deviennent adultes, votre vie sentimentale ne vous satisfait pas, votre vie
professionnelle n’est plus en accord avec vos aspirations… J’ai dû puiser dans mes dernières ressources pour
sortir de cette impasse », confie Gaëlle Abravanel.
Débute alors une collection d’images à l’intimité poignante.
Des clichés montrant un instant d’extase, une osmose spirituelle, une exaltation intense – celle de renouer enfin avec
soi-même.
À ces représentations s’ajoute l’utilisation de feuilles dorées et de
thé infusé, donnant aux tirages un caractère précieux et une
nuance chaude.
« Rien n’aurait été possible sans ce choix de procédé. La sensualité tactile que je donne à voir fait référence à la peau,
mais aussi à quelque chose de plus psychologique que cette
texture particulière évoque: la fragilité et la force »,
ajoute la photographe.
Influencée par le concept japonais du Wabi-Sabi – le fait
d’accepter et d’être ému·e par l’ordinaire et l’imperfection – ainsi
que par l’art du Kintsugi, qui consiste à réparer la porcelaine
ou céramique cassée à l’aide d’une laque saupoudrée d’or,
l’artiste fait d’Être à Soi une ode à la beauté atypique.
À travers des cadrages serrés, elle donne à voir ses formes,
sa nudité, avec une sincérité frappante et transforme les courbes
des figures harmonieuses et universelles.
Un ensemble apaisant répondant à sa volonté de souligner
« la quête d’équilibre, l’endurance et l’authenticité », tout en
explorant la notion de mémoire du corps.
Celle qui s’ancre dans nos membres et fige des instants
de douleurs, de peurs, de souffrances. Mais aussi celle qui fait
fleurir les émotions les plus pures et marque au fer blanc
la réappropriation d’un·e être se perdant dans un monde déroutant.
« La société ne cesse de produire des binarismes. Être entière, pourmoi, revient justement à casser les codes. Cette quête d’être
au plus proche de soi passe par le fait de ne jamais oublier d’être à soi avant tout. La résilience se situe en son centre », conclut
Gaëlle Abravanel.
Article de Lou Tsatsas pour Fisheye - novembre 2022